
Le regard d’un homme sur une histoire de femmes
En 2011, j’ai réalisé une première version du film DE LA CUISINE AU PARLEMENT. On célébrait le 40èmeanniversaire du droit de vote féminin dans l’indifférence quasi générale. Et la notion d’égalité entre homme et femme paraissait être étrangement absente des préoccupations de la plupart des jeunes helvètes de cette époque.
Dix ans plus tard, tout a changé.
La libération de la parole liée aux questions de consentement et de violence sexuelle qu’a permis le mouvement #metoo, la pérennité des inégalités salariales, la résistance des plafonds de verre, l’absence de parité dans les mondes politiques, académiques ou médiatiques ont mené à une prise de conscience de l’extrême fragilité des acquis de l’égalité. C’est ce qui m’a donné envie de revisiter ce film et d’en proposer une nouvelle version augmentée d’une demi-heure. Parce que si la première version se concentrait sur la lutte pour l’obtention du droit de suffrage, il me semble aujourd’hui important de rappeler que le combat pour l’égalité n’est de loin pas terminé.
Il a fallu en Suisse un temps infini pour mener à bien chaque réforme concernant les droits des femmes. Plus d’un siècle pour le droit de vote, 40 ans pour la réforme du droit du mariage (1988), 30 ans pour l’IVG (2002), 60 ans pour l’assurance maternité (2005!). Des dizaines de votations populaires ont jalonné – et jalonnent encore – cette interminable route vers l’égalité. Et chacune des ces votations a suscité des débats et des campagnes. Nous sommes donc certainement le seul pays du monde à posséder une cartographie du machisme national! Parce que si le système politique suisse n’a pas facilité les choses, ce sont avant tout les hommes qui ont dressé d’innombrables obstacles pour ralentir l’accès des femmes à leurs droits de citoyennes. En tant qu’homme, je me suis donc octroyé le droit de faire ce film. Puis de le refaire encore 10 ans plus tard. D’en assumer la subjectivité en portant un regard critique et teinté d’ironie sur les actions de mes semblables. Pour dire mon admiration à celles qui se sont battues pour le progrès de toutes et tous. Et mon dégoût de ceux qui ont toujours tenté et tentent encore de s’opposer à la réalisation de l’égalité.
Stéphane Goël, janvier 2021