Mai 68 avant l’heure
Mai 68 n’a pas surgi ex nihilo, tous ses composants préexistaient. Une génération, celle qui avait vingt ans au milieu des années 60, ne se satisfaisait alors plus d’un état des choses désespérément immuable et brûla de voir se réaliser des attentes esquissées de longue date. La pression était montée graduellement et la chaudière finit par exploser. Y compris en Suisse.
Un film pensé comme une reconnaissance envers ceux qui ne voulurent plus du monde d’alors et réalisé avec les archives de la RTS Radio Télévision Suisse, SRF et RSI.
Au début des années 60, les premiers baby-boomers à atteindre l’âge adulte découvrent une société paradoxale; l’essor économique d’alors entraîne une élévation du niveau de vie qui offre des perspectives d’affranchissement jusque-là inédites. Mais cette relative allégresse est en décalage avec le poids des conceptions conservatrices qui prévalent encore en matière familiale, morale et de soumission à l’autorité. Ce qui est donné d’une main semble repris de l’autre. Une réalité source de frustration.
Si, pour la plus grande partie de la jeunesse, se démarquer des ses aînés suffit, une frange de celle-ci entend s’affranchir de normes sociales encore largement conformistes et vécues comme aliénantes et étouffantes. Sous l’impulsion de mouvements artistiques précurseurs ou émergeants apparaissent alors les signes d’une rébellion culturelle, d’une volonté de dissidence sociale et de protestations politiques. Cet état d’esprit naissant veut défier l’ordre dominant et son hypocrisie en amalgamant allègrement émancipation personnelle et désir d’un monde pacifié et harmonieux. Il y a volonté de changer la vie et la société, donc la vie en société.
Les pouvoirs institués se montreront incapables de comprendre, et plus encore de prévoir, ce qui est en marche et la « société civile » (partis, syndicats, etc.) passera à côté d’une évolution et de desiderata hors de ses cadres de pensée. Que des revendications souvent confuses, partielles et parfois même incohérentes produiraient un tel effet détonnant ne pouvait être imaginé. Pourtant, cette génération ne demandait pas grand chose: exister et s’exprimer.
Sous l’impulsion de gens aussi minoritaires que déterminés, les années qui précèdent Mai 68 ont été riches de péripéties et de faits sociaux qui donnent à cette décennie une aura particulière. Leurs motivations et leurs aspirations furent multiformes et si convergences il y eut inutile d’y chercher une homogénéité; c’est même ce foisonnement qui fait la saveur et la singularité de cette histoire.
