Réalisation : Stéphane Goël

Genre : Documentaire

Durée : 53′

Année : 1995

Version originale : Français, anglais

Sous-titres : Français, anglais, allemand

Le garçon s’appelait Apache

La construction d’un gigantesque observatoire astronomique sur une montagne sacrée en Arizona provoque la colère des Apaches San Carlos. Ceux-ci considèrent la présence des scientifiques comme une profanation et sont particulièrement révoltés par le fait que le Vatican, en quête de traces de vie extraterrestre, ait choisi cet emplacement pour construire son propre téléscope. Science et religion sont au coeur d’une confrontation dont l’enjeu est le respect de l’intégrité d’une culture menacée.

La montagne

Pour les Apaches de l’Ouest, le Mont Graham en Arizona est une montagne sacrée – source de vie, où Usen (ou Yusn, Dieu) leur enseigna les connaissances originelles qui devinrent le fondement d’une religion complexe. C’est un lieu qui permet l’ascension des prières des hommes vers le ciel, un lieu où sont pratiqués des rituels secrets et immuables.
Cette montagne, pourtant, ne leur appartient pas. Située en dehors de la réserve apache de San Carlos, elle a été livrée pendant plus d’un siècle à l’exploitation forestière. Son sommet est néanmoins resté vierge des traces de la civilisation. La rigueur du climat et la forte dénivellation de ses pentes découragèrent les colons.
Le Mont Graham s’élève à plus de 3’000 mètres en dessus de l’aride désert du Sonora. Son sommet est recouvert d’une forêt dense, comme on en trouve au nord du Canada. Plus de 18 espèces animales et végétales uniques au monde sont ainsi prisonnières de ce que les écologistes américains ont surnommé “l’île des cieux”.
Aujourd’hui, un vaste chantier se déploie au sommet de la montagne. Des hommes armés surveillent 24 heures sur 24 la construction d’un observatoire astronomique financé par le Vatican, l’Institut Arcetri de Florence, l’Institut Max Planck de Bonn et l’Université de l’Arizona.

L’observatoire

C’est à la fin des années 70 que tout a commencé. L’Université de l’Arizona développe alors une nouvelle technologie de fabrication des miroirs de télescope. Cela conduit les scientifiques à rechercher un lieu propice à l’implantation d’un observatoire astronomique de conception nouvelle, qui regrouperait plusieurs télescopes en un complexe unique au monde. Le site du Mont Graham, dont l’air pur et sec du sommet paraît idéal à l’observation des étoiles, est retenu à l’aube des années 80. L’Observatoire International du Mont Graham devrait compter 7 télescopes répartis sur deux sites. Deux télescopes sont déjà construits: le H. Hertz Telescope, un radiotélescope de 10 mètres et le Vatican Advanced Technology Telescope. Le Large Binocular Télescope (LBT), gigantesque paire de jumelle composée de deux miroirs de 8 mètres et qui sera le plus grand télescope du monde devrait voir le jour en 1996. Les 4 autres projets ne sont pas encore très bien définis.

Le Vatican

Dès le 16ème siècle et la réforme du calendrier par le Pape Grégoire XIII, le Vatican s’est  intéressé à l’astronomie. Malgré les conflits qui opposèrent l’Église aux scientifiques, dont la controverse de Galilée reste le plus connu, le Pape Léo XIII fonde en 1891 l’observatoire du Vatican.
Après avoir installé ses télescopes derrière la basilique Saint-Pierre, puis à Castel Gandolfo, le « Specola Vaticana » a ouvert un institut de recherches à l’Université de l’Arizona en 1981 et s’associe au projet de développement du Mont Graham.
Le télescope optique “VATT” (Vatican Advanced Technology Telescope) est un petit télescope de 1,8 mètre de diamètre, dont le miroir est construit selon une nouvelle technologie mise au point par l’Université pour la construction des télescopes géants du futur, dont le LBT. Le miroir de ce télescope est donc un prototype qui à été offert au Vatican qui n’a dès lors plus eu qu’à financer le corps du télescope et le bâtiment qui le contient.
Le « Specola Vaticana » compte une dizaine de chercheurs jésuites qui s’intéressent particulièrement à l’existence d’autres systèmes solaires susceptibles d’abriter des êtres vivants. Selon le Père George Coyne, directeur du Specola, la découverte d’une telle vie extraterrestre poserait un problème d’ordre théologique, à savoir: Ces êtres sont-ils humains? Ont-ils connus le péché originel et la Rédemption?

Les opposants

Dès le milieu des années 80 une coalition de plusieurs groupes écologistes (Sierra Club, Audubon Society, Earth First!, etc.) s’est formée pour tenter d’arrêter la progression du projet. Les écologistes critiquent l’impact de l’observatoire sur un site préservé dans lequel on trouve un certain nombre d’espèces rares et menacées (dont l’écureuil rouge du Mont Graham, en voie de disparition). Leurs actions dans les tribunaux et sur le terrain vont monopoliser l’attention des médias et cacher l’émergence d’un autre mouvement d’opposition: celui des Apaches San Carlos, qui perçoivent la construction de l’observatoire sur leur montagne sacrée comme une profanation.

Les Apaches

En 1991, avant le début des travaux, le conseil tribal des Apaches San Carlos vote la résolution suivante:

“- Attendu que depuis des générations nos anciens nous ont instruits du caractère sacré de dzil nchaa si an, également connu sous le nom de Mont Graham, et de son importance vitale dans la préservation de notre culture traditionnelle apache;
– Attendu que cette montagne est absolument essentielle dans les rites de guérisons physiques et spirituelles pratiqués par nos medicinemen, ainsi que pour l’apprentissage de leurs connaissances religieuses;
– Attendu que toute modification permanente de la forme actuelle de cette montagne est une marque de profond irrespect pour une partie vénérée de nos anciennes terres ainsi qu’une violation sérieuse de nos croyances religieuses traditionnelles;
– Attendu que la destruction prévue de cette montagne contribuera directement à la destruction d’aspects fondamentaux de la vie spirituelle des Apaches;
Par conséquent, la Tribu Apache San Carlos déclare sa ferme et totale opposition à la construction d’un télescope au sommet du Mont Graham ainsi que sa détermination à défendre ses droits constitutionnels si ce projet est autorisé à continuer.”

Les Apaches se sont regroupés au sein de la “Apache Survival Coalition” et déposent une plainte auprès de la justice américaine pour tenter de faire valoir leur droit au libre exercice de leur religion, comme le garantit le premier amendement de la Constitution.
Leurs porte-parole, Ola et Mike Cassadore-Davis, sillonnent l’Europe et les États-Unis depuis deux ans en quête de soutien. Ils aimeraient également rencontrer le Pape afin de lui rappeler les encouragements qu’il leur avait prodigués lors de sa visite à Phoenix en 1987: de tout faire pour “préserver et garder en vie” leur culture, leur langue, leurs valeurs et leurs coutumes.
La religion apache, mise à mal par des siècles de guerres et d’oppressions, compte de moins en moins de pratiquants. Le Mont Graham peut toutefois servir de catalyseur et mobiliser les jeunes Apaches dans leur revendication d’appartenir à une culture noble et ancienne. Les membres de la Coalition voient là une chance pour leur peuple. Ils s’apprêtent à mener une bataille, qui, à leurs yeux, pourrait bien être déterminante dans les relations à venir entre culture occidentale et indigène.

Point de vue du réalisateur

L’histoire du Mont Graham me fut révélée lors du tournage de mon dernier film « A l’ouest du Pecos ». Les Apaches Mescalero que je rencontrais à cette occasion me firent part de leurs préoccupations concernant la profanation de la montagne sacrée de leurs cousins San Carlos. Au delà du simple aspect conflictuel de cette situation, il me parut important de montrer comme l’histoire se répète. Les Apaches sont emblématiques des peuples autochtones dont notre civilisation occidentale nie l’identité. Tout ceux que nous avons pris à coeur de massacrer pendant des siècles et qui sont toujours victimes de l’humiliation et de la déculturation.

Le fossé entre la conception du monde des Indiens et celle des Occidentaux demeure gigantesque et paraît bien loin d’être comblé. Ainsi dans le cas du Mont Graham, les promoteurs de l’observatoire n’ont jamais pris la peine de mener une enquête sérieuse dans la réserve ou d’expliquer leur projet clairement et simplement aux Apaches.

Le conflit du Mont Graham est révélateur de cette différence de perception. Il est un point de convergence entre trois modes de pensée: Le rationalisme scientifique, le dogmatisme chrétien et la spiritualité holistique apache. Peu importe qui a raison dans ce conflit, tout n’est qu’une question de point de vue. Ce qui me préoccupe, c’est le manque de communication et l’incapacité de pouvoir prendre en compte une conception non-rationnelle de l’univers. C’est une question de respect, un droit fondamental à la différence.

Qu’on le veuille ou non, l’esprit des Apaches soufflera à jamais sur une terre dont, disait le grand chef Seattle, nous ne sommes pas propriétaires, mais à laquelle nous appartenons.

Stéphane Goël – janvier 1995

Fiche technique

Réalisation : Stéphane Goël

Assistant de réalisation : Nadia Fares

Narration : Mousse Boulanger

Image : Camille Cottagnoud

Son direct : Gilles Abravanel

Montage : Stéphane Goël, Fernand Melgar

Mixage : Thierry Peterburger

Musique : Jean-Philippe Zwahlen, Claude Buri

Stagiaire : Erwan Chaffiot

Production : Climage, Fernand Melgar | Ardèche Images Production, Jean-Marie Barbe

Coproduction : TLT Toulouse

Avec le soutien de : Office fédéral de la culture (DFI), Télévision Suisse Romande, Centre National de la Cinématographie, PROCIREP, Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la  Recherche – D.I.S.T., Evangelischer Mediendienst, RTBF

© 1995 CLIMAGE – AIP

Visionner le film (VOD)

En Suisse : Play RTS

International : YouTube

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(projections publiques / festivals)

En Suisse : climage@climage.ch

Ventes mondiales : climage@climage.ch

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